Où se cache le vrai André Gide ? Dans la poésie sensualiste aux accents nietzschéens des Nourritures terrestres ? Dans les tréfonds de ces personnages, masculins ou féminins, qui hantent, la tourmente chevillée à l’âme et au corps, des récits tels que L’immoraliste, La Porte étroite ou Geneviève? Dans la compassion fervemment désirante du pasteur de La Symphonie pastorale ? Dans la main de Lafcadio, près de commettre son geste fatal ? Dans le vertige farcesque qui s’ouvre avec la mise en abyme de Paludes ? Ou encore dans cette confession, blindée de références scientifiques et de citations platoniciennes, qu’est le Corydon ?
Partout et nulle part, André Gide, à l’instar du centre et de la circonférence du cercle divin défini par Blaise Pascal. Un « auteur impossible», comme l’annonce d’emblée Pierre Masson en tête de son introduction à la nouvelle mouture dans la Bibliothèque de la Pléiade des œuvres en prose. Alors quoi ? « André Gide, hélas ! » devrait-on s’exclamer en parodiant sa célèbre répartie à propos de Victor Hugo ? Plutôt : « André Gide, pour sûr ! » Entrons donc sans plus attendre dans cet univers complexe et foisonnant, qui accessoirement fut celui d’un seul homme, pour comprendre dans quelle mesure nous avons bien affaire ici à un monstre sacré....