Caillebotte 1848 - 1894
Gustave Caillebotte est né le 19 août 1848 à Paris. Il est issu du troisième mariage de son père Martial Caillebotte deux fois veuf (1799-1874) avec Céleste Daufresne (1819-1878), fille d'un avocat de Lisieux et petite-fille de notaire1. Deux autres enfants naissent : René, en 1851, et Martial en 1853. Né d’un précédent mariage, leur demi-frère Alfred Caillebotte (1834-1896) est ordonné prêtre en 1858. La famille Caillebotte, originaire de la Manche puis installée à Domfront2, fait commerce de drap depuis le xviiie siècle et grâce à Martial Caillebotte établi à Paris au début des années 1830 fit fortune dans la vente de draps aux armées de Napoléon III. La boutique nommée Le Lit militaire était située au 152 de la rue du Faubourg-Saint-Denis.
En 1857, Gustave Caillebotte entre au lycée Louis-le-Grand de Vanves. Il obtient en avril 1869 le « diplôme de bachelier en droit ». Après obtention de sa licence en droit le 6 juillet 1870, Caillebotte est mobilisé vingt jours plus tard dans la garde nationale mobile de la Seine et participe à la défense de Paris pendant la guerre franco-prussienne. Son livret militaire précise qu'il mesure 1,67 mètre2. Il est démobilisé le 7 mars 1871. La même année, il entre dans l'atelier du peintre académique réputé Léon Bonnat, où il fait la connaissance de Jean Béraud4, pour préparer les concours des beaux-arts. En 1872, il effectue un voyage à Naples chez son ami le peintre Giuseppe De Nittis5. Ce dernier l'avait introduit auprès d'Edgar Degas. En mars 1873, Caillebotte est reçu quarante-sixième au concours des beaux-arts, mais il n'y restera qu'un an. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Marcellin Desboutin, d'Henri Rouart et de Claude Monet4, qui habite alors à Argenteuil.
Le Parc de la propriété d'Yerres(1875), coll. part.
La mort de son père, le 25 décembre 1874, laisse deux millions de francs en héritage à partager entre sa veuve, en troisièmes noces, et ses quatre enfants. Martial Caillebotte lègue en plus plusieurs immeubles de rapport à Paris, des fermes 6, des obligations et surtout des titres de rente sur l'État. Son demi-frère, l'abbé Caillebotte (1834-1896, curé de la nouvelle église Saint-Georges de la Villette, puis de Notre-Dame-de-Lorette) avec cinquante mille livres de rentes, est considéré comme « le curé le plus riche de Paris ce qui lui permit d’en être aussi le plus généreux », en construction et entretien d'œuvres et d'édifices2. Céleste Caillebotte, née Daufresne, sa mère, conserve la propriété d'Yerres où Caillebotte peint dès 1872 de nombreuses vues de la région comme Saules au bord de l'Yerres7. Cet héritage considérable permet à Gustave Caillebotte de vivre à l'abri de toute contingence matérielle et de se consacrer pleinement à ses nombreuses passions notamment pour la peinture. Gustave Caillebotte se lie aux artistes impressionnistes, exposant à leurs côtés. Il achète certaines de leurs toiles, finance et organise des expositions. Habitant avec son frère Martial Caillebotte (l'hôtel particulier8 familial à l’angle de la rue de Miromesnil et de la rue de Lisbonne, puis un appartement au 31 boulevard Haussmann, derrière l'Opéra, de 1878 à 1887), il partage les mêmes passions (jardinage et horticulture, philatélie ou yachting) et le même cercle d'amis jusqu'en 1887, année du mariage de Martial.
31, boulevard Haussmann : l'appartement des frères Caillebotte se trouve au troisième étage, balcon en rond à l'angle de la rue Gluck, derrière l'Opéra (l'immeuble abrite aujourd'hui le siège de la Société générale).
En 1875, son tableau Les Raboteurs de parquet est refusé au Salon, le sujet heurtant par son extrême quotidien — c'est aujourd'hui l'une de ses œuvres les plus célèbres présentées au musée d'Orsay. Éric Darragon note que « cet échec a dû heurter les convictions de l'artiste et le confirmer dans une opinion déjà acquise à la cause d'un réalisme indépendant. Il va devenir un intransigeant lui aussi et ne reviendra plus devant les jurés [...] »9. Ainsi, ce serait cet échec face au jury du Salon qui l'aurait poussé à exposer aux côtés des impressionnistes. Caillebotte présenta des toiles aux expositions impressionnistes qui eurent lieu en 187610, 187711, 187912, 1880 et 1882. Marqué par le refus du Salon de 1875, il passe l'automne à Naples chez Giuseppe et Léontine De Nittis où les deux amis, malgré le mauvais temps, peignent sur le motif13. En février[réf. nécessaire] 1876, il montre six toiles à l'exposition impressionniste chez Durand-Ruel, dont Les Raboteurs de parquet.
Le décès inattendu de son frère René Caillebotte, à l'automne 1876, conduit Caillebotte, déjà persuadé, comme le note Marie-Josèphe de Balanda, qu'« on meurt jeune dans notre famille »14, à rédiger son premier testament, chez maître Albert Courtier, notaire à Meaux, le 3 novembre 1876.
À l'automne 1878, la mère de Gustave Caillebotte meurt. La propriété familiale d'Yerres est vendue en juin 1879. Les frères Caillebotte s'installent boulevard Haussmann et achètent une propriété au Petit Gennevilliers où ils font construire juste au bord de la Seine une maison en meulière de deux étages, puis une petite maison à un étage avec un atelier pour Gustave, un hangar à bateaux et une longue serre (en 1888). En 1881, Gustave Caillebotte renonce à exposer à la sixième exposition impressionniste, celle-ci ayant invité des peintres trop éloignés de l'esprit des débuts selon lui.
Il passe d'habitude ses étés sur la côte normande, où il s'adonne au nautisme, mais aussi à la peinture, comme en 1884 à Trouville d'où il écrit à Monet: « Je me suis mis aux marines et j'ai l'espoir que cela marchera15. » En septembre-octobre 1885, il voyage avec son frère en Italie16.
À partir de 1886, Caillebotte peint de moins en moins. Il s'adonne à ses passions que sont le bateau et le jardinage notamment à partir de 1887, date à laquelle son frère Martial se marie avec Marie Minoret. Gustave Caillebotte quitte donc l'appartement qu'ils occupaient tous les deux et s'installe définitivement en 1888 au Petit Gennevilliers, dans la propriété que les deux frères avaient achetée en mai 1881 après la vente en juin 1879 du domaine familial d'Yerres. Gustave Caillebotte rachète la part de son frère, agrandit son terrain en faisant l'acquisition des parcelles voisines et peint les alentours du Petit Gennevilliers. Il garde toutefois un pied-à-terre à Paris au 29 boulevard de Rochechouart17.
Le 6 février 1888, s'ouvre à Bruxelles la Ve exposition des XX, Gustave Caillebotte y est invité avec Armand Guillaumin18. Il se consacre ensuite presque exclusivement à l'horticulture (en plus des régates d'été), prétexte à des recherches picturales d'une grande luminosité et passion qui fait l'objet d'une abondante correspondance avec Monet et à des visites réciproques de leurs jardins. Caillebotte est le témoin de mariage civil et religieux de Monet avec Alice Raingo en juillet 1892. Monet se voit offrir un tableau de Caillebotte à cette occasion, Les Chrysanthèmes blancs et jaunes, jardin du Petit Gennevilliers qui s'ajoute à La Leçon de piano (musée Marmottan Monet) et à une étude sur Rue de Paris, temps de pluie qu'il possédait déjà. Caillebotte peint les fleurs de son jardin et les paysages de Gennevilliers.
Le 21 février 1894, le peintre, frappé par une congestion cérébrale, meurt, après avoir pris froid alors qu'il travaillait dans son jardin à un paysage. Il avait quarante-cinq ans. Ses funérailles sont célébrées le 27 février en l'église Notre-Dame-de-Lorette19. Il y a tant de monde dans cette église, qui est déjà grande, que certains des amis du peintre doivent suivre la cérémonie sous le porche de l'église20. Le peintre est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, non loin de Delacroix, dans la chapelle funéraire familiale. La perte de Caillebotte affecta beaucoup les impressionnistes qui perdirent à la fois un protecteur et un compagnon. Pissarro écrivit à son fils Lucien : « Nous venons de perdre un ami sincère et dévoué... En voilà un que nous pouvons pleurer, il a été bon et généreux et, ce qui ne gâte rien, un peintre de talent »21.
La maison et le parc qu'il possédait à Yerres, en bordure de la rivière homonyme, sont aujourd'hui propriété communale, et le parc est ouvert au public. C'est là qu'il a peint entre autres certaines scènes de périssoires.
Le talent de Caillebotte fut longtemps méconnu — sauf aux États-Unis —, au profit de son rôle de « mécène éclairé ». Le peintre fut redécouvert dans les années 1970 à l'initiative des collectionneurs américains et reconnu par le grand public francophone à partir des années 1990. Les rétrospectives de ses œuvres sont désormais fréquentes. Certains de ses tableaux se trouvent maintenant au musée d'Orsay, à Paris.