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Paul Eluard

La courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Je te l’ai dit...

Je te l’ai dit pour les nuages

Je te l’ai dit pour l'arbre de la mer

Pour chaque vague

pour les oiseaux dans les feuilles

Pour les cailloux du bruit

Pour les mains familières

Pour l’œil qui devient visage ou paysage Et le sommeil lui rend le ciel

de sa couleur

Pour toute la nuit bue

Pour la grille des routes

Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert

Je te l’ai dit

pour tes pensées

pour tes paroles

Toute caresse

toute confiance

se survivent.

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